Ομιλίες

Το μέλλον της Ελλάδας στην ΕΕ και στην Ευρωζώνη

Παρασκευή, 16 Οκτ 2015

Ομιλία στο Πανεπιστήμιο της Λιέγης – στα γαλλικά.

«LE FUTUR DE LA GRÈCE DANS L’UNION EUROPÉENNE ET L’EUROZONE»

Chers amis,

Je souhaite remercier mon ami Melchior Wathelet, l’ Ecole de Gestion de l’Université de Liège, les membres du corps académique, ses services administratifs et vous, les étudiants, pour m’avoir donné l’occasion d’être avec vous ce soir.

Je suis particulièrement heureuse d’ être invitée à donner le conférence inaugurale du cycle des grandes conferences européennes “Jean Ray”.

Je suis aussi heureuse de partager avec vous mes réflexions sur le futur de la Grèce, ici, dans cette merveilleuse ville de Liège, au cœur de la Belgique.

La Belgique et la Grèce sont devenues indépendantes la même année, en 1830 ; et, à l’origine, Léopold, qui est devenu le premier roi des Belges, avait été choisi pour devenir le premier roi de Grèce.  Mais, ce qu’il a entendu de la situation dans mon pays l’a fait changer d’avis et un prince bavarois devint roi de Grèce à sa place.

Nos deux pays ont combattus ensemble dans les deux guerres mondiales.  Ils sont maintenant de proches alliés au sein de l’OTAN et des partenaires dans l’Union européenne. Ils sont tous les deux membres de la zone Euro et de l’espace Schengen.

Je pense donc, chers amis, que ce dont je vais parler ce soir, et qui, je l’espère, intéressera toute personne concernée par les affaires européennes, aura peut-être un peu plus d’attrait pour nos amis belges.

Ce pays accueille également une communauté grecque relativement importante, ce qui renforce encore nos liens. 

Mesdames et Messieurs,

Chers étudiants,

Je vais essayer d’expliquer brièvement les causes de la crise de la dette grecque.  Mais j’essaierai également, juste après, d’aller un peu plus loin et de parler des perspectives d’avenir de la Grèce.  Je suis, en effet, heureuse que cette université m’ait justement demandé de faire cet exercice.

Cinq années se sont maintenant écoulées, cher amis, depuis l’adoption du premier plan de sauvetage en 2010.  Mais la crise est loin d’être finie : après plusieurs mois de négociations prolongées entre le nouveau gouvernement de gauche et l’Union européenne, un troisième mémorandum a été signé cet été.  Et, bien que cet accord soit un grand soulagement en soi, beaucoup dépendra de sa mise en œuvre. 

SYRIZA, le parti au pouvoir, a un nouveau mandat pour mettre en œuvre des réformes de grande envergure.  Ces réformes ne sont pas toujours chères à son cœur, ou en accord avec son idéologie mais nécessaires néanmoins et certainement obligatoires contractuellement pour que le financement de l’économie grecque par la Troïka se poursuive.

Donc, jusqu’à ce que les réformes prévues soient mises en place, la crise de la dette grecque continuera à planer au-dessus du pays lui-même, mais aussi de l’Union européenne et de l’Eurozone en particulier.

Chers amis,

Vous allez me demander : comment est-ce que la Grèce s’est-elle mise elle-même dans cette situation dramatique ?  Et, surtout, quelles sont les perspectives de redressement du pays ?

Pour mieux comprendre la situation, nous avons besoin de revenir en arrière, premièrement, à l’origine de la crise, la plus grande depuis la création de l’Eurozone et à son traitement depuis qu’elle a éclaté en 2010.

Il faut souligner d’emblée que le problème est celui de la Grèce, et non « les Grecs » en général.  Par conséquent, toutes les assertions de la presse populaire allemande, par exemple, dépeignant les Grecs comme « paresseux », etc. peuvent être facilement rejetées par quiconque connaît la situation réelle.

Un simple fait prouve mon affirmation : les Grecs en dehors de la Grèce excellent souvent dans de nombreux domaines.  La marine marchande grecque par exemple est la plus grande au monde.  Elle atteint presque la moitié de la totalité du tonnage de l’Union européenne et près de 17 % du total mondial.  Elle transporte 65 % de toutes les importations de Chine et 35 % de celles des États-Unis.  La communauté universitaire greco-américaine, pour citer un autre exemple, est la plus large comparée à n’importe quelle autre communauté ethnique des États-Unis si l’on prend en considération la population greco-américaine. Du monde des affaires au monde universitaire, en passant par les Opéras et les entreprises de hautes technologies, les Grecs se retrouvent partout à des positions de premier plan : le monde n’oubliera jamais la Callas ou le Dr Papanikolaou, dont le « test Pap » pour le cancer a sauvé la vie de millons de femmes d’une mort précoce.

Chers amis,

Quel est le problème avec la Grèce alors ?

Je suis depuis longtemps libérale; mais il ne faut pas être libéral pour comprendre que la vraie cause du malaise grec réside dans le modèle sur lequel l’État grec a été établi, la façon dont il s’est développé et les effets de ce modèle sur la vie politique grecque et sur son économie.

Après la libération de la Grèce, la régence bavaroise a bâti le nouvel État sur le modèle le plus bureaucratique et le plus centralisé de tous les temps et cet héritage n’a jamais été réellement abandonné depuis lors.  Dans un tel cadre, et avec une économie qui, au début du 19e siècle, était dans une condition pré-industrielle, il n’est pas étonnant que l’État ait été à la fois une source d’emplois et, en raison de sa lourde bureaucratie, un générateur de corruption et de clientélisme, avec, comme conséquence, un obstacle à l’entreprise privée et au développement économique.

Néanmoins, grâce à l’esprit d’entreprise de ses habitants, à son haut niveau d’éducation, son ouverture sur la mer et ses traditions commerciales, la Grèce devint bientôt le pays le plus développé d’Europe du Sud-Est et le phare des idées occidentales dans la Région.  Déjà au milieu du 19e siècle, la Grèce avait le pourcentage de population urbaine le plus élevé dans la Région, des institutions démocratiques (avec seulement 22 ans de gouvernement authoritaire sur 185 ans d’indépendance) et, jusqu’à récemment, son PIB (Produit Intérieur Brut) était le double du PIB total de six autres pays de l’Europe du Sud-Est.

Mesdames et Messieurs,

Après une période de développement économique spectaculaire dans les années 50 et 60, l’arrivée au pouvoir des socialistes populistes du parti PASOK en 1981 a graduellement conduit le pays à sa condition actuelle.

Le gouvernement du pays par le PASOK a eu deux effets négatifs parallèles : d’un côté, il a développé à l’excès le secteur public et découragé l’entreprise privée ; d’un autre côté, il a aussi eu un effet négatif à long terme sur l’ensemble du système politique grec.  En effet, s’agissant d’un modèle politique populiste, électoralement rentable, il a été adopté par tous les autres partis, en ce compris le mien.

Un exemple suffira : sur les seules 8 premières années de règne socialiste sur la Grèce, de 1981 à 1989, la dette publique grecque est passée de 26 à 89 % et le nombre de fonctionnaires de 255.000 à 550.000 !  Et par la suite, comme un journaliste grec qui avait de l’esprit l’a dit, « l’intégralité du système politique grec devint progressivement un système à la PASOK ».  SYRIZA et le premier ministre Tsipras, sont aujourd’hui, fondamentalement, une émanation extrême du type de parti et des politiques que le PASOK a établi en 1981.

Chers amis,

Cette brève vue d’ensemble était nécessaire pour vous aider à comprendre la crise grecque actuelle.  Dans la dernière phase de la « route vers la condamnation », l’entrée de la Grèce dans l’euro a été suivie par une période d’expansion à la fois administrative (avec l’augmentation de nominations dans le secteur public) et budgétaire.  L’expansion budgétaire fut possible grâce à des taux d’intérêts très bas, différant en général de seulement 1,5 % des obligations allemandes, grâce à l’appartenance de la Grèce à la zone Euro.  Je dois souligner que tant la Grèce, qui a emprunté de façon effrénée, que l’Eurozone, qui n’a jamais pris connaissance de cette pratique, sont à blâmer. 

La tragédie est que, en plus de cela, quand la crise est apparue, ni la Grèce, ni l’Union européenne n’ont su comment réagir.  Sans doute est-ce là qu’il faut voir la raison pour laquelle elles ont demandé l’assistance du FMI.

Ce qui est arrivé depuis lors est bien connu : les partis politiques grecs ont lutté pour préserver ce qui pouvait être « sauvé » de l’ancien système clientéliste, et ainsi résister au changement, et les créanciers se sont satisfaits d’un traitement plus ou moins fiscal du problème.

Non seulement, la Grèce n’a pas apporté les changements internes structurels et en profondeur nécessaires, mais le pays a plongé dans une terrible récession, perdant près d’un tiers de son PIB, avec une hausse du chômage atteignant les 27 %.  J’ai manifesté cette double erreur – clientélisme et solution fiscale – d’innombrables fois, ce qui a même conduit à mon expulsion de mon parti, la Nouvelle Démocratie, et à la création de mon propre parti libéral.

L’erreur fondamentale, Mesdames et Messieurs, chers étudiants, c’est que l’austérité en soi devint bientôt le « mandra » du programme de sauvetage.  Il serait faux de dire qu’il n’y a pas eu de changement structurel envisagé (ou prévu) dans le programme.  Il était prévu, mais il était faible, incohérent et inefficace. Tant que les problèmes de financement de l’État étaient réglés par la voie fiscale (à savoir, l’augmentation des impôts) ou d’autres mesures d’austerité, la Troïka était en règle générale, contente, tout comme les différents gouvernements grecs qui, de cette manière, évitaient les reformes structurelles qui auraient pu affecter leur clientèle politique, notamment dans le secteur public.

Mesdames et Messieurs,

Néanmoins, un gouvernement de centre-droit mené par la Nouvelle Démocratie et auquel je participai accéda au pouvoir en juin 2012.  Il fit plusieurs propositions qui donnèrent leurs résultats deux ans plus tard : le déficit fut réduit de 15 % à presque 3 %.  Un surplus primaire fut atteint, le déficit de la balance de paiements fut éliminé, et, au printemps 2014, la Grèce avait atteint une croissance de 1,7 %, le taux de croissance le plus important de l’Eurozone, et était capable de faire son retour sur les marchés.

Mais c’était trop tard, trop tard pour que les changements atteignent la majorité de la population.

Le parti de la gauche radicale SYRIZA a réussi à capitaliser sur la promesse d’un retour à la vie confortable d’avant la crise, sur un ressentiment généralisé et, bien sûr, sur l’indigence d’une grande partie de la population.  Cette approche était, en réalité, profondément conservatrice.  D’un côté, elle reflète un style plus radical en termes de langage et de l’autre des pratiques politiques et économiques du début des années 80.

Chers amis,

Depuis que la gauche radicale (alliée à un parti de droite radicale analogue) est arrivée au pouvoir en janvier 2015, elle a démontré deux principales caractéristiques : Premièrement, une petite, mais prédominante, partie de ses cadres restait dogmatique.  Après avoir causé plus de tort au processus de négociation et à l’économie, ils ont finalement quitté SYRIZA cet été, dénonçant le 3e Mémorandum que M. Tsipras avait signé avec nos créanciers.  Deuxièmement, le reste de SYRIZA était simplement inexpérimenté et/ou maintenait ses hallucinations.  En seulement 7 mois, ils ont donc réussi à aliéner les créanciers et la plupart de ce que le précédent gouvernement avait réussi à engranger comme résultats a fini par s’évaporer. Cela fut d’autant plus le cas après que le contrôle des capitaux fut imposé : les banques grecques ont perdu plus de 40 milliards d’Euros de dépôts.  Les progrès budgétaires atteints dans les deux années précédentes ont été renversés. L’investissement privé s’est arrêté. La Bourse grecque s’est effondrée et le « Grexit » est à nouveau devenu le mot à la mode.  C’est dans ces conditions extrêmes que le 3e Mémorandum fut signé, quand M. Tsipras a finalement réalisé que des alternatives de Russie, de Chine ou autres ne viendraient pas.

Mais je dois dire, chers amis, que ces causes, et surtout le ressentiment, qui ont conduit en premier lieu ce gouvernement au pouvoir en janvier 2015 étaient réels : la Grèce a encore besoin de trouver un chemin, non seulement vers une discipline budgétaire, mais vers la croissance également.  Et, comme le nouveau gouvernement grec fraîchement réélu est en train de montrer certains signes de maturité et est libéré de son aile extrême depuis les élections de septembre, il est grand temps pour l’Europe d’adopter une politique qui aborde non seulement l’aspect budgétaire mais aussi les causes profondes du problème grec.

Le nouveau Mémorandum est de nouveau principalement de nature budgétaire, mais il comporte également plusieurs projets de réformes structurelles.

Je suis toujours convaincue que la Grèce a désespérément besoin de combiner la discipline budgétaire avec son développement économique.  Pour cela, je crois qu’une importante diminution des taux d’impôts sur les entreprises est absolument nécessaire.  Avec des États voisins de la Grèce (comme la Bulgarie, la Roumanie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Turquie et Chypre), qui ont adopté des taux d’impôts sur les entreprises entre 10 et 15 %, il n’est pas possible de parler d’investissements privés massifs dans mon pays, lequel connaît des taux d’imposition de 30 à 49 %.  Par conséquent, un programme intérimaire devrait, à mon avis, comprendre à la fois un ensemble de changements structurels favorisant l’investissement et le financement d’une période de transition avec une haute taxation dans un premier temps, diminuant progressivement. Certains instruments financiers pour de nouveaux investissements devraient aussi être inclus.  De cette façon, le ratio dette/PIB serait réduit et l’économie grecque se développera.

Enfin, et ce n’est pas le moins important, nous devons alléger le poids de la dette elle-même – et je soutiens totalement à la fois le gouvernement grec et le FMI qui le disent de façon claire et persistante : comme il n’y a pas de possibilité d’effacement de la dette, nous pouvons prévoir une plus longue période de remboursement, peut-être 40 à 50 ans, et un taux d’intérêt universel au niveau du deuxième Mémorandum ou moins, ce qui est autour de 1%.

Mesdames et Messieurs,

Notre aspiration commune devrait être de porter la créativité de la Grèce à l’intérieur de la Grèce à un niveau analogue à celui des autres pays de l’Union européenne et proche de ce qui est atteint par les Grecs à l’étranger.  La Grèce pourrait alors surprendre une nouvelle fois de façon positive le monde avec son développement, comme elle l’a fait plusieurs fois par le passé, comme par exemple dans les années 50 et 60, lorsque son taux de croissance était le deuxième au monde, juste après le Japon.

C’est alors, et alors seulement, que les essais et les sacrifices du peuple grec, et de tous les autres peuples européens qui sont venus nous aider, vaudra la peine et la douleur que nous avons tous endurés ensembles, comme alliés et partenaires.

Si nous réussissons, nous nous sentirons fiers et satisfaits d’avoir aidé, à la fois la Grèce et l’Union européenne, plus la zone Euro, à laisser derrière eux la plus grave crise économique jamais vécue.

Mesdames et Messieurs,

Chers étudiants,

La Grèce ne « doit » pas seulement mais elle « peut » s’en sortir : elle a le soutien solide de ses amis et partenaires de l’Union européenne, une population travailleuse, une grande valeur stratégique en étant à l’intersection de trois continents; la plus grande marine marchande au monde, et une influence considérable dans les Balkans, la Méditerranée et au-delà.

Je crois qu’un jour nous serons tous fiers d’avoir sauvé d’un désastre un pays si hautement emblématique pour la civilisation européenne et si important dans ses dimensions contemporaines.

Je vous remercie pour votre attention.

Je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre aux questions que vous souhaiteriez me poser dans cette phase d’échanges qui débute maintenant.

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